Emma Amos, Ruth Waddy et Betye Saar : Mes notes de recherche
De vous à moi, un court extrait ou une brève introduction (en français) de ma recherche.
Chers lecteurs/lectrices
Dans le cadre de mon parcours continu en tant qu'artiste, chercheuse et écrivaine multidisciplinaire, je vous écris à nouveau (plusieurs mois plus tard…oui, je sais !) sous le nom de Tapestry of Memory, une newsletter bilingue.
Dans Tapestry of Memory, vous trouverez :
Des revues d'art
Des réflexions sur mon propre art et mes recherches
Un regard critique et multidisciplinaire
Et tout ce qui me vient à l'esprit
Bonne lecture !
Dans le cadre de ma recherche, j'écris sur Emma Amos, Ruth Waddy, Faith Ringgold ou même Betye Saar qui ont fait de leurs œuvres, les miroirs de leurs vies, mais aussi des réflexions critiques sur leur époque, leur société et leur communauté. Leur art incarne leur résistance, qui à l'instar des stéréotypes, témoigne de leur propre volonté de se redéfinir dans un contexte dans lequel il était nécessaire de réinventer.
À une époque où les diasporas noires ont su bâtir plusieurs formes de rejet et de revendications reflétant des nécessités, besoins et volontés de réaffirmation (Kalu & Falola, 2019), les femmes, à travers l'afro féminisme et/ou le Mouvement des arts noirs, ont été les figures centrales d'une ère artistique et visuelle engagée à l'échelle mondiale. Leur subjectivité intersectionnelle ainsi que leurs réimaginaires transcendent les frontières temporelles et géographiques, notamment par la littérature, la musique et surtout les arts visuels. Ces femmes artistes, révolutionnaires, poétesses, écrivaines peintres engagées, ont fait de leurs représentations, des reflets de leurs propres résistances !
Entre peintures, mosaïques, sculptures, gravures, installations ou "quilts", leurs productions et réinterprétations du corps noir, fascinent, inspirent et amènent surtout à une réflexion profonde sur le lien entre art et activisme ou sur la matérialisation des symboles, couleurs, lignes en tant que reflets d'un contre récit engagé, soit des actes quotidiens, collectifs, banaux ou individuels qui ont contribué à une reconstruction perpétuelle collective.
bell hooks [écrivait] [d’] [ailleurs] pour témoigner de la primauté des luttes dans toute situation de domination [...]; de la force et de la puissance qui émergent de la résistance et de la conviction profonde que ces forces peuvent guérir... (hooks, 2006, p.209). Selon elle (1995), la reconstruction des identités noires repose fondamentalement sur cette résistance [active] visant à transcender les limites temporelles (p.xv). Au-delà de simples oppositions ou réappropriations, l'art était et reste un outil [narratif] essentiel pour confronter les identités politiques construites (hooks, 1995, p.57). De plus, l'émancipation collective des communautés noires s’exprime, depuis des décennies, à travers l'usage de signes communs (Powell, 2021, p.61), des symboles créant une esthétique collective. La négritude dans le monde francophone ou la “Renaissance de Harlem” dans les années vingt ne sont que des exemples parmi plusieurs.
Dans le contexte afro-américain, plus spécifiquement lors du Mouvement des arts noirs des années soixante à soixante-dix, à l'intersection du vécu des femmes noires, il était surtout question de « paraitre dans la disparition » (Copeland, 2015). Les artistes telles que Betye Saar ou Faith Ringgold se positionnaient clairement face aux hiérarchies sociétales oppressives tout en affirmant leur propre identité culturelle et politique dans leurs œuvres.
Les formes de résistances varient et peuvent donc aller d’opposition passive à des actions plus actives et directes, comme les manifestations de rue, (Rantakari & Vaara, 2016) tel qu’on peut l’observer dans l’œuvre The people, yes ! de Ruth Waddy.
Waddy, R. (1973). The people, yes ! [linogravure]
Ainsi, ces femmes artistes allaient au-delà de la représentation des résistances quotidiennes ou collectives. Leurs œuvres littéraires, visuelles ou installations, reflètent leurs corps (Voir Seated figure and Nude de Emma Amos ou Woman looking in a mirror de Faith Ringgold), leur place au sein même de leur communauté (voir Three Sisters de Ruth Waddy) et de la société (Chadwick, 2012, p.318). Ainsi, considérant le contexte du Mouvement des arts noirs, la résistance est complexe et se définit, au-delà des oppositions radicales. La résistance se veut nuancée et sa compréhension nécessite la prise en compte de plusieurs intersections dont le vécu et le rapport à la communauté des femmes noires.
En bref, ma recherche…mon analyse sémiologique (du sens) vise à mieux comprendre les symboles et significations fascinants partagés à travers les œuvres des femmes du Mouvement des arts noirs. Leurs créations, qu'elles soient figuratives ou abstraites, incarnent une résistance nuancée, transcendant les frontières géographiques et temporelles. En explorant ces œuvres, elles me confortent dans l’idée que l'art est un outil permanent de façon subconsciente ou non et ce, d'autant plus dans le contexte des diasporas noires d’hier et d’aujourd’hui.
L’héritage de ces femmes continue d’influencer les artistes et les activistes contemporain(e)s. Les artistes Lorna Simpson, Simone Leigh ou même Carrie Mae Weems représentent des ponts entre ce Mouvement des Arts noirs et les générations actuelles.
Simpson. L. (1986) Waterbearer
Weems. C. (1990) Untitled (Woman and phone)
de la série Kitchen Table
Leigh, S. (2019). Brick house. |Bronze sculpture]
Et pour être claire, ma recherche n’est pas une façon de nourrir les stéréotypes de l'« artiste/activiste », particulièrement concernant les femmes/artistes, mais juste une manière de mettre en évidence comment nous, artistes, communiquons toujours quelque chose à travers l’art, et non pas parce que nous voulons changer quelque chose, mais simplement parce que nous voulons dire quelque chose !
Références :
Chadwick, W. (2012). Women, art, and society (5th ed.). Thames & Hudson.
Clarke, C. (2005). “After Mecca”: women poets and the Black Arts Movement. Rutgers University Press.
Copeland, H. (2015). Book Discussion: Huey Copeland, “Bound to Appear: Art, Slavery, and the Site of Blackness in Multicultural America”: Flow and Arrest. Small Axe : A Journal of Criticism, 19(3), 205–224.
Cutler-Bittner, J. B. (2022). Faith Ringgold: American People (review). NKA (Brooklyn, N.Y.), 51(1), 128–131.
Gioni, M., Carrion-Murayari, G., Lippard, L. R., Godfrey, M. (Mark B., Baraka, A., Brooks, L. P., Bryan-Wilson, J., Cooks, B. R., Whitley, Z., Casteel, J., Self, T., Brackens, D., Wallace, M., Ringgold, F., & Ringgold, F. (2022). Faith Ringgold : American people. Phaidon Press Limited.
Harris, S. L. (2021). Emma Amos : color odyssey. Georgia Museum of Art, University of Georgia.
hooks, b. (1995). Art on my mind. New York: The new press.
hooks, bell. (2006). Outlaw culture : resisting representations. Routledge.
Kalu, K., & Falola, T. (Eds.). (2019). Oppression and Resistance in Africa and the Diaspora (1st ed.). Routledge.
Powell, R. J. (2021). Black art: a cultural history (Third edition.). Thames and Hudson Ltd.
Rantakari, A., & Vaara, E. (2016). Resistance in organizational strategy-making. In The SAGE Handbook of Resistance (pp. 208-223). SAGE Publications Ltd,